La collection

Cette coloc avait commencé sous les meilleurs hospices, si ce n'est cette collection de coléoptères

qui habitait insidieusement mes nuits, réveillant au passage de sourdes terreurs enfantines,

enfouies depuis des lustres sous la mécanique bien huilée de l'adulte responsable.

L'honnête homme que j'étais, se fissurait nuit après nuit et se métamorphosait en sale gosse.

Mon idéal souvenir de petit enfant sage comme une image d' Epinal jaunie volait en éclat pour laisser place à un garnement tempétueux et odieux.

Je ne me méfiais pas de ces turbulences enfantines nocturnes. Je les oubliais promptement en enfilant, chaque matin, mon costume trois pièces et mes pompes à pompons en fausse peau de croco.

Depuis une dizaine d'année, je dirigeais avec maestria une fabrique de boutons à la renommée internationale.

Sans raison apparente, un lundi matin, je piquais une colère noire, je hurlais à plein poumons, je me jetais par terre martelant le sol de mes poings crispés.

Ma secrétaire, apeurée, appela le service de sécurité.

Deux molosses, que j'avais moi-même embauché neuf ans auparavant, arrivèrent au petit trop dans mon bureau. Impressionnés par mon agitation de poisson rouge tombé à côté de son bocal, ni une ni deux, en bons professionnels, ils déclenchaient ma célèbre et efficace procédure d'urgence.

Je me retrouvais, quasiment instantanément, saucissonné sur un brancard, embarqué avec doigté et rapidité par les pompiers, toute sirène hurlante vers les urgences psychiatriques de la ville.

Calmé, assommé par les médicaments, je contemplais le plafond beige défraîchi de ma chambre d'hôpital. Tourbillonnant dans mon crâne, j'entendais les ricanements incessants d'un enfant, ravi de la bonne blague qu'il venait de faire à l'adulte « bien comme il faut » que j'étais devenu.